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samedi 20 septembre 2014

Ukraine : le retour des somnambules .

Samedi 13 Septembre 2014 à 14:00
Olivier Berruyer*


Mstislav Chernov/AP/SIPA
Mstislav Chernov/AP/SIPA
 
Pour Olivier Berruyer, économiste et responsable du blog Les-crises.fr, il y a quelque chose de très troublant dans la manière dont le sujet de l'Ukraine est abordé.
 
 "Le plus déplorable, écrit-il, est que des faits graves soient peu discutés, ou même escamotés."
"Qui sait, demande-t-il par exemple, qu'il y a 60 % de Russes en Crimée, contre 25 % d'Ukrainiens ?
 Qui parle de ce sondage américain réalisé en mai 2014 en Crimée, montrant que 91 % des habitants estiment que le référendum d'indépendance y a été honnête ?"
 
Comme en 1914, l'inconscience semble s'être emparée des dirigeants européens.
Comparée à la précédente, la nouvelle guerre froide qui a déjà commencé est très inquiétante, pour plusieurs raisons.
 Son cœur est à la frontière russe, considérée par Moscou comme essentielle à sa sécurité (25 millions de Soviétiques sont morts pendant la guerre).

Nos sociétés, anesthésiées par des décennies de paix, semblent avoir oublié la « peur collective » : le risque de conflit nucléaire, terreur des années 60, est désormais ressenti comme inexistant, tout comme les conséquences financières apocalyptiques d'une « simple » crise avancée.

La modération réciproque qui s'était construite durant la guerre froide, portée par de grands hommes d'Etat compétents, a disparu.
La crise est aggravée par l'absence d'opposition au bellicisme ambiant, ni en politique (le nouveau Jaurès du pacifisme ne risque pas d'être assassiné, il n'existe pas !), ni dans les médias qui célèbrent apparemment les 100 ans de la déclaration de la guerre de 14-18 par une reconstitution du bourrage de crâne de l'époque.

La propagande guerrière est ainsi à son comble, et, alors que fin juillet le gouvernement de Kiev venait de tuer près de 500 civils russophones et le gouvernement israélien, près de 1 000 civils palestiniens, que l'ONU indiquait que 700 000 Ukrainiens avaient trouvé refuge en Russie, elle a abouti à ce que l'Europe sanctionne la Russie !


Le plus déplorable est que des faits graves soient peu discutés, ou même escamotés.
 Qui sait qu'un des deux partis représentés dans le gouvernement ukrainien, Svoboda, a été qualifié de « néonazi » par le Congrès juif mondial ?
Que son leader, Oleh Tyahnybok, a été décoré de la croix d'or des vétérans de la Waffen SS Galicie en 2010 et a été désigné par le centre Wiesenthal comme l'un des 10 pires antisémites mondiaux en 2012 ?
 Que des députés de Svoboda ont participé à des cérémonies de réinhumation de Waffen SS avec les honneurs militaires ou ont qualifié la période de la Shoah de « période de lumière dans l'histoire » ?
 Le deuxième parti au pouvoir, Patrie, qui est un allié électoral de Svoboda, dont il compte dans ses rangs le cofondateur, et son ancienne dirigeante, a appelé au meurtre des Russes...
  On comprend que ce gouvernement ait voté en février la suppression ahurissante du russe comme langue officielle régionale, mettant délibérément le feu aux poudres dans ce pays fragile et divisé...

On entend souvent que Poutine soutiendrait la rébellion dans l'Est. 

Les faits montrent que le soutien est très limité, vu que les rebelles reculent.
Au contraire, il a refusé de reconnaître les Républiques autoproclamées et ne revendique pas ces territoires, demandant un cessez-le-feu et des négociations pour une Ukraine fédérale.
 Extrémisme ?

Si un coup d'Etat survenait en Belgique, où des Flamands néofascistes interdisaient le français dans le pays, serait-il étonnant que la Wallonie fasse sécession ?
 Et que ferions-nous si l'armée belge l'attaquait et bombardait Liège, causant, comme en Ukraine, près de 3 000 morts civils ?

Alors, sanctionner la Russie si elle soutient les combattants dans l'Est, pourquoi pas, mais alors par l'ONU et non par les Etats-Unis ou la France !
Pas après l'Afghanistan, l'Irak, la Libye, pas après avoir livré des armes à des islamistes — les mêmes que le « maître de la Maison-Blanche » bombarde actuellement en Irak, et en Syrie pour y déstabiliser le gouvernement.
La Russie, qui n'a envahi aucun pays depuis soixante ans, se retrouve accusée d'impérialisme par les Etats-Unis, qui ne passent pas une année sans bombarder un pays sur la planète : on croit rêver !

Et qui parle de l'absence de sanctions envers les Etats-Unis pour avoir abattu un Airbus iranien en 1988 ou envers l'Ukraine lorsque son armée a déjà abattu par erreur (tiens donc...) un avion civil en 2001 ?
 Qui sait qu'il y a 60 % de Russes en Crimée, contre 25 % d'Ukrainiens ?

 Qui parle de ce sondage américain réalisé en mai 2014 en Crimée, montrant que 91 % des habitants estiment que le référendum d'indépendance y a été honnête et que la cote de confiance de Poutine y atteint 93 % !

Le but est-il de faire la guerre économique pour rendre malheureux 93 % des habitants de Crimée ? 

Face à ce manque d'information du public, ces mots d'Orwell dans 1984 résonnent durement : « Si tous les autres acceptaient le mensonge imposé par le Parti — si tous les rapports racontaient la même chose —, le mensonge passait dans l'histoire et devenait vérité [...] [mais en réalité] il y avait la vérité, il y avait le mensonge, et si l'on s'accrochait à la vérité, même contre le monde entier, on n'était pas fou. »


* Olivier Berruyer est économiste et responsable du blog Les-crises.fr 


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