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samedi 28 novembre 2015

Les pompiers de Paris racontent la terrible nuit du 13 novembre et les appels de détresse

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Attentats du 13 novembre 2015


Un blessé est évacué du Bataclan par les pompiers dans la nuit du 13 au à Paris - MIGUEL MEDINA - AFP/Archives
 

Un blessé est évacué du Bataclan par les pompiers dans la nuit du 13 au à Paris
                        
Préparés et formés aux situations catastrophiques, le vendredi 13 novembre restera pour les pompiers du 18, "indescriptible".

 Trois longues heures à expliquer comment sauver des vies aux otages du Bataclan, gravées à jamais dans la mémoire du caporal-chef Jérôme.
 
21H45. "Descends vite!" Le top est donné pour le caporal-chef, pompier depuis 11 ans qui vient rejoindre la "salle 18", où les appels sont reçus.
A son arrivée, la stupeur: "Ca commence à monter en puissance, j'entends des gens qui nous appellent depuis des bars de Paris... puis du Bataclan", se souvient le chef de table, qui gère plusieurs "opérateurs" répondant directement aux victimes ou aux familles.
Ce vendredi 13, deux explosions surviennent aux abords du Stade de France, et quelques minutes plus tard à Paris, des hommes armés mitraillent terrasses de café et restaurant tandis qu'une troisième équipe s'engouffre au Bataclan.
Dans la salle de concert, 1.500 personnes assistent au concert du groupe rock Eagles of Death Metal. C'est là que les jihadistes feront le plus de victimes entre 21H40 à 00H18, heure de l'assaut des forces de l'ordre.

"Le seul fil"

Le caporal-chef Jérôme en reste marqué: "On est les premiers à entrer en contact avec les otages du Bataclan, à prendre de plein fouet leur stress et à essayer de les calmer".
"Ils nous appellent pour nous dire: "J'ai plein de cadavres devant moi" ou encore "Je suis blessé, je me trouve dans telle ou telle salle, est-ce que vous êtes au courant?".

Pour celles et ceux qui n'ont pas réussi à fuir, les pompiers seront pendant trois heures "le seul fil qui les lie à l'extérieur". 
La pression et le stress sont à leur comble dans la "salle 18".
Les pompiers enchaînent les appels le plus vite possible alors que 30 à 40 personnes sont en attente sur le standard pendant trois quarts d'heure.
 Isolés dans leur salle sans fenêtre, au bout du fil, ils entendent "les cris de douleur, de peur, des gens qui (les) suppliaient de venir vite". 
Jérôme, 31 ans, comprend la peine qu'éprouvent ses hommes.
"Lorsque je vois le regard des opérateurs, que je les vois me chercher, en quête d'un soutien, je comprends que c'est grave, très grave", raconte-t-il, encore ému, à l'AFP.
Dans les yeux, le responsable voit "de l'étonnement, des hommes perturbés", qui soufflent, demandent parfois de l'aide, s'agitent, cherchant un appui contre le dossier de leur chaise.
Mais il faut aller vite.
Répondre.
Rassurer.
"On guide les victimes ou ceux qui les accompagnent, on leur dit de se déshabiller, prendre un tee-shirt et l'utiliser pour faire un point de compression sur les plaies...
 De la médecine de guerre", dit-il.

"Combien de morts ?"

"Quand on décroche, on ne sait jamais sur quel genre de coup de fil on va tomber", explique-t-il. 
Qu'importe.
 Les informations sont précieuses et il faut également récolter le maximum de données sur les victimes: "Combien sont-ils sur les toits? dans les loges? cachés sous les corps?"...
Le caporal-chef s'engage alors dans une course effrénée entre la salle 18 et la cellule médicale, située un peu plus loin.
 Là, un grand tableau blanc avec inscrit "site 1, site 2, site 3, site 4", en dessous, le nombre de blessés et de morts.
"Les appels nous permettaient d'avoir une idée chiffrée.
 Plus les minutes passaient, plus je voyais le nombre de morts au Bataclan augmenter, augmenter, augmenter...".
Le caporal-chef s'interrompt.
"Les gens à l'intérieur morflaient", et les appels de détresse se poursuivaient.
Consigne est donnée, répétée et martelée aux opérateurs: il faut "rassurer les blessés".
 
Alors quand sa hiérarchie lui dit qu'un assaut va être donné dans la salle de concert peu avant minuit, le caporal-chef est "tellement content" qu'il le dit à ses hommes.
"Tenez bon les gars, la BRI (Brigade de recherche et d'intervention, Ndlr) et le Raid vont intervenir", leur lance-t-il.
Un pompier ose alors poser la question tant redoutée: "Jérôme, on a combien de morts ?".

 "80 morts...", lui répond-il.

L'opérateur souffle, et répète inlassablement le nombre macabre.

 Le bilan s'établira à 90 morts.
 

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